Une salle totalement vide hormis deux chaises.
Quelques bougies ponctuaient l’espace, de façon à donner un peu de lumière à la pièce.
Rien de bien extraordinaire, juste de quoi s’entre voir.

« Eh, pourquoi t’es toujours là ? Tu résistes bien en tout cas ! »

« Je ne sais pas. Je dois dire que ce n’est pas moi qui décide. »

Un échange de sourires angéliques et ironiques entre ces deux interlocuteurs.

La Reine soupira une énième fois. Le décore lui semblait d’une lassitude sans précédent. Même au château la vie paraissait fade. Bien sûr, hors de question d’y mettre un terme. Après tout, on a pas une seconde vie tous les jours, et puis elle avait un époux idéal, mais surtout elle s’aimait trop pour ça. En parlant de ce fameux mari, celui-ci, cause de ses ennuis, se trouvait à ses côté, ajustant sa marche à la sienne. Quoi de plus normal pour un couple ? Enfin, quoiqu’il en soit, ce Roi, ou Tsar, lui posait bien des problèmes. Certes, il savait ses secrets, et elle se demandait toujours pourquoi elle les lui avait révélés, mais il ne s’imaginait certainement pas l’ampleur de ceux-ci. Il était bien trop naïf pour ça.

Le regarde d’un passant, qui cherchait à la saluer, la tira de ses pensées. La demoiselle y répondit avec son sourire devenu légendaire et pourtant monté de toute pièce. Bien sûr la joie sur le visage de l’inconnu se changea tout de suite en horreur lorsqu’il posa les yeux sur le compagnon de sa Majesté.

Hime se doutait, cependant, que le Russe s’inquiétait plus pour elle que pour l’impression qu’il donnait. Il est certain que lorsque vous le croisez en compagnie de notre blanche demoiselle, le contraste est plus que frappant : Lui est grand, Elle très petit. Lui possède une étrange expression qui pourrait en effrayer plus d’un, et pourtant ses sourires sont parmi les plus beaux et plus doux du monde. Alors qu’Elle a toujours eu un visage inspirant la confiance et la fragilité mais sa véritable expression relève de la psychose. Même leurs caractères sont contraire. Il est naïf et passe pour un « méchant », elle est sadique et passe pour la sainte de Wonderland.

De nouveau, ces chaises vieillies par le temps.

« Mais pourquoi s’être entichée d’un tel homme ? »

Un léger rire, tel un carillon étouffé par le silence de la nuit résonna.

« Qui sait ? Pour le physique peut-être ? En tout cas, elle a changé. »

« … La preuve, t’es toujours là… »

Léger hochement de tête.

Le couple royale ne s’attarda pas plus dans leur balade. Ils avaient vu et fait tout ce qu’ils devaient, à quoi bon s’attarder ? Lâchant un dernier soupire, beaucoup moins discret que les précédents, la souveraine accéléra le pas vers la calèche et ses chevaux. S’élançant à l’intérieur, elle finit par atterrir sur la confortable banquette du moyen de locomotion. Elle attendit que son ami entre pour ordonner au cochet de démarrer. Le hennissement des quatre bêtes, attelées et servant à faire avancer la calèche, lui donna l’étrange envie d’en finir vite avec elles, d’attendre patiemment qu’elles soient malades pour mettre fin à leurs souffrances, qu’elle aura bien sûr empiré avant.

Portant son regard sur le paysage qui défilait, elle pesta contre elle-même. C’était cause de lui qu’elle ne plus rien faire, qu’elle en était réduite à abattre ses propres animaux. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il avait beau être tolérant et connaître une partie de ses secrets, elle ne tenait guère à lui en montrer trop. Et il n’avait pas besoin de tout savoir. Et si elle montait une conspiration contre la Red Queen et qu’il la trahissait, volontairement ou non ? Alice et Mad la tueraient surement, rien que pour le fait de s’être moqué d’eux. Et ça, elle ne tenait pas à en courir le risque. C’est sans doute pour cette raison que sa confiance envers les autres s’était peut à peu dissipée, remplacée par la cruauté. Mais pourquoi était-elle avec lui, dans ce cas ? Hein, pourquoi ? Pour son physique ? Sa maladresse et sa facilité à être manipulé ? Pour son image de Reine ? Il aurait été étrange que la gentille Hime ne trouve homme à son goût dans le vaste monde de Wonderland… Ou simplement parce qu’ainsi, elle était aimée, une chose presque inconnue pour elle ? Que de bonne question, qu’elle se posait dés qu’elle regardait le Tsar.

A présent se trouvait une table et un échiquier,
en plus des chaises, dans cette pièce obscure, ou presque.
Sur ce plateau de jeu, seules deux pièce trônaient.

La Reine blanche et le Roi noir.

« Je prend le Roi, tu prend la Reine ? »

« Il va de soi que la Reine me revient. Mais tu penses vraiment avoir une chance avec cette misérable pièce aux actions si limités ? »

« Qui vivra verra, et depuis le temps que tu es ici, tu devrais prendre un peu de repos… »

« Comme si j’allais laisser ma place à un invalide comme toi ! »

Le sujet de ce sarcasme se contenta de sourire, malgré ses bandages et blessures. Une main s’empara du Roi noir.

« A qui la faute, à ton avis ? Mais ce n’est pas cela qui va me gêner. »

« Tu as trop confiance en toi. »

« Trêve de discussion, commençons. »

La demoiselle aux oreilles de chat avait plus que hâte de rentrer au château, d’arrêter sa comédie pour aujourd’hui, de faire tomber la rideau de la prestation du jour. Hélas, Yvan en décida autrement. Il voulait aller au restaurant… La Hime amoureuse aurait tout de suite accepté. La Hime cruelle aurait tout de suite refusé. Pourtant, elle ne fit ni l’un ni l’autre, ou plutôt elle hésite longuement. Un regard d’enfant, que seul son compagnon savait faire, la fit pourtant céder.

« Soit. Mais si la Reine Blanche, celle qui aime tant être près de son peuple, évacue toute une salle pour son bon plaisir, il y a aura incohérence. Donc… On ne vire personne, d’accord ? »

Ah… Mais que se paissait-il chez elle ? Elle n’acceptait pas parce qu’elle aimait le Tsar, mais alors pour quelles raisons ? Bien qu’on ne puisse pas dire que ce soit l’amour fou entre eux deux, ou du pour Hime, elle ne pouvait se résoudre à lui faire de la peine. Peut-être lui rappelait-il la jeune fille naïve qu’elle était il y a bien longtemps de cela ? Mais cela n’avait pas de sens, puisque c’est justement ce qu’elle haïssait le plus, ce genre de caractère… La Reine ne se comprenait plus elle-même. A force de se poser des questions aux réponses si troubles, elle se perdait. Elle décida donc d’arrêter d’y penser pour ce soir. Elle toussa légèrement à l’attention du cochet, et fit entendre sa voix fluette :

« Pourrions-nous aller à Clover Town ? »

La demoiselle connaissait un très bon restaurant Italien tenu par un certain Leandro et cela faisait un petit moment qu’elle ne s’était pas montrée là-bas. De plus l’ambiance lui changerait peut être les idées.

Après une danse effrénée, les deux pièces de l’échiquier
se stoppèrent sur leurs positions initiales.
Aucune n’était parvenue à s’imposer, à prendre l’avantage sur l’autre, à mettre fin à ce jeu.

« Eh bien, nous n’avons guère progressé ! »

« C’est pourtant une chance que ton Roi soit encore débout… »

« La chance n’a rien à voir. Tu fais preuve de trop de brutalité ! »

« Et toi, tu es beaucoup trop calme !! »

Le possesseur de la Reine se jeta contre le dossier de sa chaise.

« Tu abandonnes déjà ? »

« Tsss, tu sais très bien que nos pièces sont bloquées. »

« Effectivement. »

Ils arrivèrent enfin dans la ville. Celle-ci semblait toujours aussi joyeuse. En apparence… Ces rues si faussement amicales auraient pu être siennes après tout, Hime avait plus en communs avec ce dédalles d’habitations qu’avec n’importe quoi, ou plutôt n’importe qui d’autre. La diligence s’arrêta soudainement. Lorsque la porte s’ouvrit, une douce odeur de pizza lui parvint. Celle-ci venait d’un établissement discret mais plutôt élégant et accueillant lorsque l’on attardait son regard dessus. Les murs étaient d’un blanc pur et quelques lierres grimpaient le long ce ceux-ci, apportant une touche de couleur et de végétation au restaurant, dont le décor typiquement Italien, renseignait plus que nécessaire sur la nationalité du propriétaire. L’hybride descendit doucement et invita son compagnon à faire de même.

« L’endroit vous plaît-il ? »