Le calme et désert, voir lugubre, cimetière de Wonderland était fermé par une immense grille en fer forgé, aux pointes aiguisées tant et si bien qu’elles ne donnaient guère envie aux promeneurs perdus et aux curieux d’essayer de la franchir en passant au dessus. Mais pourquoi ne pas l’ouvrir tout simplement me direz vous ? Eh bien parce que ce fort bel ouvrage de ferronnerie était fermé par un magnifique cadenas, un peu trop bien sculpté, pour être devant un cimetière et dont la couleur argentée contrastait fortement avec le noir passé et peu rassurant de la grille. De toutes évidences, pour poser un tel objet à un endroit pareil, certaines personnes de ce monde n’étaient pas des plus nettes… De plus il était sûrement impossible de crocheter la serrure étant donné qu’une clé massive et tout aussi bien sculptée est généralement associée à un tel cadenas.

Un petit et simple panneau de bois trônait sur ces barreaux. Il était tellement abîmé qu’on aurait pu facilement penser qu’il était là depuis des dizaines d’années, mais il reposait ici depuis bien plus longtemps à tel point qu’il était difficile de croire qu’il tenait encore le choc après tous les jours, les mois, les saisons ou encore les années qu’il a du traversé. Sur sa surface recouverte de craquelures et autres rayure, on pouvait très clairement y lire en lettres noires et peu rassurantes : « Danger de mort… ou pire… »

Un son de talons frappant le sol avec une certaine énergie retentit. Comme on pouvait s’en douter quelqu’un approchait de la porte, soudainement les pas s’arrêtèrent sèchement. Puis un léger rireà la vue du panneau de bois se fit entendre, bien qu’il fut inaudible à qui conque se trouvait à plus de quelques mètres de là. Le froissement presque silencieux d’une robe ainsi qu’une cape pouvait être perçu par ceux dont l’ouïe était très développée. Pour ceux dont la vision parvenait à voir dans l’obscurité, créée par cette magnifique et calme nuit sans lune, pouvaient aisément voir une silhouette stagnant devant l’imposante porte. Pourtant, si l’on se rapprochait, on pouvait nettement et clairement constater qu’un mince sourire s’étirait sur les lèvres de la silhouette inconnue, dont il était difficile d’identifier le sexe, tant il ou elle était bien caché(e) sous sa longue cape, lui recouvrant le haut du visage.

Un bruissement silencieux mais vif suivit parfaitement le mouvement de bras que fit l’inconnu. Il le tendit sur le côté, geste, qui, seul en face d’une grille n’avait que très peu d’intérêt… Pire encore, les paroles qu’il prononça juste après auraient pu le faire passé pour fou, si peu qu’il y eut quelqu’un dans les environs, choses peu probable, après tout qui se promènerait dans un tel endroit, à une heure aussi avancée de la nuit ? Reprenons. Ses quelques, mais simples, résonnèrent dans le silence, qu’elles déchirèrent en peu de temps :

« Sebastian ! Ouvre cette porte, tout de suite ! »

Une deuxième silhouette apparue, de façon plus qu’étrange, à croire qu’elle venait tout juste de se matérialiser aux côtés de la première. Quelques corbeaux croassèrent dans l’obscurité puis s’envolèrent aussitôt. Instinct animal peut être ? Quoiqu’il en soit, les deux taches rouges qui luisaient dans l’obscurité n’avaient rien de rassurant pour quiconque les auraient vu. Le nouvel arrivant, qui semblait être un homme, ou plutôt un majordome, beaucoup plus grand que le premier, se pencha légèrement.

« Yes, Milady »

Il contourna celui qui semblait être de toute évidence son maître ou plutôt maîtresse, au vu des mots qu’il avait employé. Puis, une fois arrivé devant la grille, il donna un coup de pied sec et effroyablement fort, brisant le cadenas aussi facilement que si cela avait été du verre. Il se mit ensuite un peu sur le côté, de façon à montrer que l’accès était libre. Il n’eut malheureusement pas le loisir de parlé à son employeur qu’un talon vint écraser une de ses chaussures.

« Arrête de m’appeler comme ça… »

En avançant la demoiselle, qui n’en était peut être pas une en réalité ?, enleva sa capuche et remit ses cheveux en place. Observant le décor présent près d’elle de son seul œil visible, elle soupira avant de s’assoir près d’un mausolée, qui semblait tout aussi perdu que l’étrange couple.

« On est vraiment obligés de dormir ici ? Je veux dire, dans un endroit aussi glauque ? »

La jeune fille commença à retirer ses chaussures, sous les quelles ses pieds rouges prouvaient qu’ils venaient de marcher un long moment.

« Ce n’est pas une façon de parler pour une demoiselle ! »

Le factotum se tourna vers celle qu’il servait et eut tout le plaisir de sentir une de ses chaussures lui arriver en plein visage, apportant avec elle une marque rouge du plus bel effet sur la joue pâle de Sebastian.

« Ne me dis pas ce que je dois faire ! »

Le brun soupira longuement.

« Et encore moins une façon de se comporter ! C’est dangereux et immature venant d’une princesse comme vous ! N’est-ce pas, Cinderella ? »

La jeune Cendrillon faisait la sourde oreille à tout cela, croisant les bras sur sa poitrine inexistante et détournant le regard. Le majordome fit un pas en avant vers la demoiselle de sang noble et retira doucement son gant blanc.

« Mademoiselle… Vous savez ce qu’il vous arrivera si vous continuez ainsi… »

La réaction fut presque immédiate, la princesse lui décocha un regard assassin et prit son autre botte dans la main, d’un air menaçant.

« Ose appeler Grell et je te promet que cette chaussure risque de ce trouver dans le point faible qu’ont tous les hommes, et le fait que tu sois une invocation n’y change rien ! »

L’homme à tout faire se mit à rire un peu, l’air surpris, mais en même temps amusé.

« Ce genre de comportement te vas si bien, Ash ! »

Il s’assit à côté de son jeune maître, qui prit d’ailleurs une expression des plus agacées. Ash, elle n’aimait pas ce nom, son nom… Et encore moins d’être tutoyer par quelqu’un, pourtant elle ne fit aucunes remarques à ce sujet, cela venant de Sebastian et sachant qu’ils étaient seuls.

Seuls ? Etaient-ils si seuls que cela ? Peut être y avait-il d’autres passants dans le coin ? Un cimetière désert… C’est le plus souvent dans ce genre de décor que les rencontres les plus effroyables se produisent… Mais notre couple, qui n’en était pas un au niveau des sentiments bien sûr, était trop perdu dans leur chamailleries pour penser un tant soit peu à ce genre de choses.