♦ No more poetry... (PV ~ Hime Tsuki)

Il devait être environ 11 heures lorsqu'un petit écureuil sortit de son trou, et grimpa sur le tronc d'un arbre voisin à la recherche de nourriture. Il n'avait pas mangé depuis la veille et se délectait à l'avance de la bonne noisette qui l'attendait sur l'une des branches en hauteur. S'il avait su ce qui l'y attendait, il ne serait pas sorti de chez lui... Mais comme il l'ignorait, il continua son escalade, jusqu'à ce qu'il se trouva à découvert.

Un peu plus loin, l'ennemi juré des rongeurs et absurdité de la nature, somnolait tranquillement au pied d'un chêne. Il sentit le petit animal passer, et ouvrit ses deux yeux d'un coup.

- Enfin un rat pour mordre à l'hameçon, songea Cheshire, un petit sourire malicieux aux coins des lèvres.

Il se leva tout en prenant le temps de s'étirer, puis planta ses griffes dans le tronc auquel il s'adossait et grimpa silencieusement. Il aperçut sa cible, bondit... et la plaqua sur la branche d'un coup vif, puis la retint sous sa main griffue.

-Argh ! couina la Campagnol.

- Bonjour Petit Déjeuner~

-P-petit Déjeuner ?! Mais qu'est-ce que tu racontes, lâche-moi !

Il se débattait comme il pouvait, mais il ne faisait même pas un dixième de la taille du Chat, qui n'avait plus de chat que ses oreilles, sa queue et ses manières. Cheshire se lassa vite de ses protestations et souleva la bestiole par la queue.

- Je n'ai pas pour habitude de discuter avec la nourriture. Au revoir~

Sur ce il enfourna l'écureuil, laissant dépasser la queue touffue de sa bouche.

Que d’ennui dans ce monde. Pourquoi faillait-il que ce jour soit un jour de repos pour la majorité des servants ? Ils n’avaient pas compris qu’ils étaient là seulement pour me servir, jour et nuit ?! Enfin, je devais bien agréer à cette demande, sinon adieux ma réputation de douce demoiselle… Cette journée me rappelait ma vie dans l’autre monde. Ah, que de matinée ou d’après-midi passée seule, attendant avec impatience les réceptions du soir. La seule personne qui me tenait compagnie était mon chat. Oui, je dis bien personne, car il était vraiment important pour moi. A présent, je pense qu’il est la seule personne pour qui je m’inquiète depuis que je suis ici. J’espère que sa vie sur Terre se passe bien, que je ne lui manque pas trop. Je me rappelle toujours aussi bien de son étrange, mais si magnifique, sourire, assez inquiétant pour les rares invités qui l’ont vu, je dois bien l’avouer…

Le soleil commençait à atteindre son zénith, il devait être onze heures. Bientôt plus d’une heure que j’avançais dans cette forêt, plus ou moins sinistre et curieuse. L’endroit n’était pas fort accueillant, mais la lumière de l’astre, sans aucuns doutes créé lui aussi par Alice, égayait un peu les lieux, certes, si j’avais eu mieux à faire je ne me serrais jamais promener ici, seule qui plus est, mais une visite de cette endroit, rempli d’arbres tous plus étranges les uns que les autres, était reposante. Pendant quelques instants je pouvais oublier, ou plutôt, mettre de côté, toutes mes stratégies et cet échiquier géant qu’est Wonderland, qui n’a de merveilleux que le nom. Tout est tellement étrange et faux ici et je ne fais pas exception. Je suis sûre et certaine que, malgré son sourire étrange, mon cher félin ce serait plut ici… Mais je ne devais pas repenser à des choses comme ça, les regrets ne servent à rien, j’ai eut le temps de le savoir en deux siècles…

Des bruits de griffes plantées dans le bois et la discussion de deux personnes, quoique animaux, du moins pour le rongeur, serait plus approprié. L’autre m’intriguait un peu plus, ses oreilles, ses griffes et sa queue de chat me rappelaient fortement le mien. Simple hasard ? Sans doute. Je m’approchais d’un pas léger et discret. Puis fit mine de regarder la pauvre bête, la moins humaine des deux, et m’écriai :

« Mais enfin !! Pauvre petit rongeur, ne le mangez pas ! »

Ah, ce que j’aurais préféré voir l’écureuil complètement démembré, les tripes à l’air libre, du sang ruisselant le long de l’arbre… Pour avoir de telles idées je n’avais torturé quelqu’un depuis un bon moment… Il faut dire qu’il m’est de plus en plus difficile d’avoir des proies sans me faire prendre… Mais c’est la vie que j’ai choisie, comme je l’ai dit, il ne me servirait à rien de regretter !

J’attrapai la queue du rongeur et tirai dessus pour le faire sortir de la bouche de l’homme aux oreilles de Neko comme les miennes. Une fois cela fait, je le redéposai au sol, le laissant filer puis toisai l’autre.

« Il me rappelle vraiment mon ancien chat… »

Je remarquais que, sans le vouloir, je venais de dire tout haut ce que je pensais.

« Excusez-moi pour ça, je dois sans doute me tromper. Puis-je vous demander votre nom ? »

Une inconnue était arrivée. Par inconnue, il faut comprendre que le Chat ne l'avait jamais vue en chair et en os, ou alors tout simplement qu'il l'avait oubliée. Il voyait passer tellement d'étrangers dans cette forêt, qui venaient lui demander conseil sans même savoir qui il était (quels idiots, ces humains), qu'il les oubliait parfois à l'instant même où ils le quittaient. Cheshire eut à peine le temps de se questionner sur l'identité de cette jolie jeune fille qu'elle tira d'un coup sec sur la queue de sa proie, et la laissa filer dans les fourrés. Agacé, il remua son nez et mâchonna dans le vide, dévisageant l'impertinente qui lui avait fait capoter son déjeuner. Voyant qu'elle ne comptait pas passer son chemin, il soutint son regard, et entreprit de faire sa toilette.

Il leva sa main gauche, la lècha, et la passa nonchalamment derrière l'une de ses oreilles, les yeux plissés. En-bas, la nouvelle venue ne le quittait pas des yeux, réfléchissant sans doute à quelque question exsistentielle si chère aux humains, comme "Mais que fais-je ici ?", ou dans un autre registre "Que vais-je bien pouvoir manger à midi ?". Manger... Pauvre Cheshire, il avait faim, nom de non !

Alors qu'il se frottait avidemment la tête de ses deux pattes, la jeune fille le questionna d'une voix douce :

« Excusez-moi pour ça, je dois sans doute me tromper. Puis-je vous demander votre nom ? »

Cheshire ouvrit un oeil, interrompant momentanément son frottage. Il remarqua les petites oreilles qui trônaient sur la tête de son hôte, et se demanda si elles étaient vraies, ou simplement décoratives. Comme pour en prouver la valeur, il agita simultanément les siennes, puis se pencha lentement vers elle, et découvrit un large sourire.

- Je suis le Chat du Cheshire.

Il se redressa, sans s'arrêter de sourire, et battit l'air de sa queue noire.

- Pourquoi t'excuses-tu ?

Pour une fois que je rencontrais un personnage aussi intéressant que ce Chat ! Plus je le regardais et plus la ressemblance avec mon propre chat était flagrante… Lui, par contre, ne semblait pas m’avoir reconnu, que ce soit comme maître ou comme White Queen, ce qui n’est pas plus mal. J’avais ainsi la certitude qu’il réponde normalement, à l’inverse de tous ces profiteurs qui répondent de façon à me faire plaisir, ce que je hais profondément. Je baissai légèrement les oreilles.

« Excusez-moi une nouvelles fois mais… Vous… n’étiez pas un chat de votre vivant par hasard ? »

Je devais en être sûre. Si je retrouvais bel et bien cet animal qui m’avait accompagné quasiment toute ma vie je ne pouvais qu’en être heureuse. La joie… Ah, cette chose que j’avais oubliée depuis un bon moment. Certes, l’amusement est toujours là, mais le vrai bonheur de retrouver quelque chose ou quelqu’un que vous avez perdu et que vous ne pensiez jamais revoir est totalement différente, n’est-ce pas ? Vous ne comprenez pas ? Pathétiques lecteurs que voilà, enfin cela importe peu. Ah… sa question me revenait en mémoire… Pourquoi est-ce que je m’excusais ? A question simple, réponse simplement.

« Eh bien… J’ai pensé pendant un bref instant que vous étiez le félin qui me tenait compagnie de mon vivant, mais peut-être me tromperais-je ? Je ne saurais dire, votre ressemblance est tellement flagrante. Quoiqu’il en soit, permettez-moi de vous demander ce que vous faites ici ? »

Oui, jouons les ignorantes. De toutes évidences, il cherchait à trouver quelque proie pour en faire son repas, d’après moi. Ah quelle bonne idée avais-je de mettre une de mes robes habituelles, tellement pleine de dentelles, que je n’apprécie pas forcément d’ailleurs… Cette tenue me donna quelques difficultés à parvenir jusqu’à la branche où reposait le Chat, je n’ai jamais été douée en sport mais je me défendais plus tôt bien, mais avec de tels vêtements, imaginez un peu la difficulté ! Je m’asseyais à côté de lui, tout en souriant et attendant une quelconque réponse.

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